08 septembre 2006

Streetwalkers, dieux des bacs à soldes

En 1977, pour connaître de nouveaux groupes, il n'y avait pas 36 moyens. Soit on attendait qu'un copain achète un disque (un par mois pour les plus fortunés) soit on les achetait soi-même. Et pour déterminer où allait passer l'argent de l'anniversaire, il n'y avait pas 50 solutions : soit on faisait confiance à Rock&Folk (jusqu'à ce qu'on se retrouve avec une bouse fumante entre les mains), soit on se lançait avec l'inconscience propre aux jeunes années dans des choix hasardeux, motivés par des motifs le plus souvent improbables ("Sur les crédits il ne parlent pas de trompette, ça doit être du bon gros rock").
Autant le dire tout de suite, le résultat était fréquemment consternant et nous en étions réduits à observer d'un oeil hagard le diamant (de synthèse) courir sur le sillon en attendant que le supplice se termine. Puis, un peu désabusé, nous rangions l'objet dans sa pochette en nous jurant bien de ne plus jamais l'en sortir.
Aventuriers mais pas totalement inconscients, nous écumions, pour procéder à ces achats compulsifs, les magasins de solde qui offraient pour un prix relativement modeste des tonnes d'imports américains aux noms inconnus de tous (et pour cause). Il y en avait un du côté de Montparnasse qui s'appelait "Clémentine Musique" (peut-être existe-t-il encore).
C'est là qu'un jour je suis tombé sur le disque dont on peut ici-même apercevoir la pochette. Et c'est justement la pochette qui m'a décidé : cette tête de débauchée lascive, ces chaînes... Et puis dans le titre, il y avait le mot "vicious" (j'ignorais la signification de "fair"). Bon sang de bois, ça ne pouvait être qu'un bon vieux disque de HARD ROCK avec des guitares hurlantes dans tous les coins et des vocaux passés au papier de verre! (j'étais dans ma période rock avec du poil aux pattes).
La désillusion fut à la hauteur des espoirs investis. Bien sûr il y avait des guitares, c'était déjà ça de pris. Mais le chanteur avait une voix de chèvre et ABOMINATION! certains morceaux étaient enveloppés de violons. Et le violon, encore pire que la trompette, c'était l'instrument maudit entre tous. Dire qu'on était en possession d'un disque avec des violons, ça revenait à s'exclure soi-même du parti des amis de la musique virile. Et de fil en aiguille, c'était ouvrir la porte aux pires des soupçons : ce type écoute peut-être du disco !
J'ai donc rangé le disque dans sa pochette.
Et puis quelques mois après, poussé par on ne sait quelle pulsion masochiste, je l'ai ressorti.
Une fois, deux fois.
Encore et encore...
Au bout d'un moment il s'est produit un incroyable retournement de situation. Comment avais-je pu me montrer aussi sourd ? (Etait-il possible qu'AC/DC encrasse à ce point les conduits auditifs ?)
Enfin, la vérité éclatait au grand jour : Ce disque était un chef d'oeuvre, Streetwalkers des Dieux, et c'était décidé je serai leur prophète, tout au moins sur le territoire français.
A présent vous comprenez mieux l'incroyable popularité dont jouit ce groupe dans nos contrées depuis presque 30 ans.

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